Babemba

Babemba, spectacle pluridisciplinaire de Serge Aimé Coulibaly est présenté au Tarmac de la Villette jusqu’au 19 Juillet. L’artiste burkinabé confirme la dynamique pragmatique et optimiste de la création contemporaine africaine.


Crédit photo : Eric Legrand

Un récent rapport de l’ONU envisage l’éventuelle diminution de moitié de la pauvreté en Afrique vers 2147. En donnant la parole à la création africaine contemporaine du 24 juin au 12 Juillet, au sein des rencontres AFRIQUE(S), la Villette pallie le déterminisme statistique d’une telle affirmation et valide l’optimisme du rapport de la CNUCED (conférence des nations unies sur le commerce et le développement), qui envisage au contraire l’influence stimulante de la création artistique sur le dynamisme économique et social.

En mettant à l’honneur quatre figures emblématiques et héroïques de l’émancipation africaine (Nkrumah, Lumumba, Sankara et Mandela), le chorégraphe Serge Aimé Coulibaly s’adresse à la jeunesse. Car si ces quatre chantres de l’indépendance et de la lutte ont ouvert la voie d’un développement autonome du continent, leur combat acharné a besoin d’un relais politique contemporain fort, auquel invite le jeune chorégraphe. Le spectacle, conçu pour quatre danseurs, une chanteuse (griotte) et deux musiciens, propose une vision réaliste des problématiques africaines qui minent l’avenir de ce continent complexe et morcelé, tout en soulignant les grands axes humains qui constituent sa force.

Des corps en lutte

L’ambivalence domine la dynamique chorégraphique. Les corps qui s’élèvent avec volontarisme et ténacité sur le plateau tombent brutalement au sol. Ce sont des corps schizophrènes, volontaires et oppressés qui évoluent en chœur et en canon, parfois en solo, sous l’œil d’une conteuse à l’interprétation pleine de reproches, de colère et d’interrogations.
 
Corps en lutte avec la réalité économique, facteur majeur de l’oppression étrangère, un danseur s’extrait péniblement d’un bidon estampillé ELF au début du spectacle. Corps blessé qui tente d’avancer vers l’avenir, un jeune homme en jogging démantelé par les spasmes avance lumineusement à la rencontre de la belle chanteuse. Corps en résistance à la violence et l’oppression politique banalisées, un homme lutte fièrement jusqu’à tomber à terre, à l’image de Babemba, qui se suicidera pour éviter la honte de la capitulation. Corps à l’identité protéiforme, entre modernité urbaine et traditionalisme, les costumes défilent.
 
L’utilisation de la musique est particulièrement représentative de la démarche du metteur en scène burkinabé qui allie héritage culturel ancestral et contemporanéité. La virtuosité licencieuse de la kora par Domba Sanou ou encore le choix d’une très jeune chanteuse mandingue comme griot, détentrice de l’Histoire dans cette grande tradition africaine orale, établissent un pont entre passé et avenir. Serge Aimé Coulibaly leur donne une place prépondérante dans le spectacle, bien au-delà de l’habillage sonore, les faisant parfois évoluer au cœur des danseurs. Quant à la jeune chanteuse Djeneba Koné, son charisme et sa voix ont presque tendance à éclipser trop souvent les danseurs.
 
On peut regretter de la même façon certains mélanges malheureux tels que le texte dit par le musicien couvert par le chant ou encore l’utilisation du jeu (mime ?) par les danseurs qui décidément ne fonctionne pas. Mais le spectacle ouvre surtout des perspectives pour une Afrique forte et lucide, il réserve des moments d’émotion brute et d’espoirs légitimes qui donnent une voix à la jeune création, africaine oui, mais surtout universelle.

Babemba, création chorégraphique de Serge Aimé Coulibaly.

Jusqu’au 19 juillet au Tarmac de la Vilette.


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Le 4 juillet 2008

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