Illusions Comiques

En ouvrant la saison avec ses Illusions Comiques, Olivier Py, nommé cette année à la tête du théâtre de l’Odéon, donne le ton de sa programmation : à la fois populaire, brillante, excessive et généreuse. A voir jusqu’au 30 septembre.


Crédit photo : Alain Fonteray

La lumière s’éteint dans la salle ; sur la scène éclairée, une troupe répète. Un théâtre, des comédiens, un poète. Le spectacle peut commencer. Avant même que la pièce ne soit écrite, l’humanité est déjà conquise. Désabusée et avide de sens, elle entend faire du poète « moi-même » son nouveau prophète, et s’en remet absolument à sa parole pour lui montrer la voie. Le Pape lui-même viendra lui demander conseil. Voici les Illusions Comiques, version Olivier Py.

Sourd aux avertissements de ses comédiens dubitatifs, et poussé par une mère en quête de gloire, le poète endosse ce nouveau costume de héros syncrétique et dérisoire. Débute alors une grande épopée en forme de farce, prétexte à redéfinir la place et la mission du théâtre aujourd’hui, à se jouer de la mode et des prêtres de la culture.

L’impromptu de la joie

Des comédiens qui jouent leur propre rôle, un enchevêtrement de mises en abîme, la figure du poète - double d’Olivier Py - : la filiation avec L’impromptu de Versailles de Molière est évidente. Les classiques sont d’ailleurs bien représentés, puisque de Corneille, outre le titre de la pièce, Py reprend également l’esthétique dramatique baroque, et le genre, la comédie.

Ici, le théâtre s’amuse du théâtre, et rit de son impuissance à se substituer au philosophe, au politicien, au pape ou à Dieu lui-même. Conscient de la vanité de cette intronisation, Py n’en offre pas moins un cadeau posthume au « poète mort trop tôt », l’auteur et metteur en scène Jean-luc Lagarce, à qui est dédié ce spectacle et pour qui le théâtre « prenait toute la place ». Ce faisant, Py reste fidèle à son désir de réenchantement du monde, adepte d’un « travailler moins pour contempler plus », (comme le lancera sur scène un président soucieux de sa réélection), gentiment perfide.

Dans la salle, le public rit souvent face au parcours des comédiens, orphelins de leur poète. Ils se livrent à d’innombrables et précieuses leçons de théâtre. En se jouant des conventions, ils empruntent les masques les plus divers et les plus savoureux, capables d’incarner une « mort » acide comme une « tante Geneviève » des plus croustillantes. Au milieu de ces comédiens brillants, maîtrisant parfaitement leur art, Michel Fau en particulier, excelle à provoquer l’adhésion du public. Et ses variations comiques autour de l’alexandrin « Et la mort est pour nous la dernière créance », constituent l’un des moments phares du spectacle.

Profession de foi

Oui, comme le rêve Py, le théâtre est bien le royaume de l’image et des figures, fenêtres de l’invisible. Au-delà ou en dépit de ses fastes, il peut prétendre nous aider à vivre avec dignité dans un monde incertain, comme le font dans la pièce ces comédiens fidèles à l’art, malgré leur destin aléatoire. Aussi, si l’on peut reprocher l’aspect un peu didactique de la réconciliation finale autour de cent définitions du théâtre, on pardonne aisément à la grande profession de foi païenne que sont ces Illusions-là. Cette farce comme il dit, Py a voulu qu’elle soit « l’art de faire du rire avec notre impuissance ». Or pendant près de 3 heures, souvent grâce aux comédiens, on y rit beaucoup, c’est certain.


Illusions comiques, texte et mise en scène d’Olivier Py. Avec Olivier Py, Michel Fau, Olivier Balazuc, Clovis Fouin, Philippe Girard, Mireille Herbstmeyer. Jusqu’au 30 septembre au théâtre de l’Odéon.

Crédit photo : (c) Alain Fonteray


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Le 23 septembre 2007

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