Interview : Dionysos

Sous le doux titre de La mécanique du cœur se cache le dernier projet du groupe Dionysos : un roman écrit par Mathias Malzieu, le chanteur, et un album qui forme la bande originale du livre, composé avec l’ensemble du groupe. L’occasion de développer un peu plus encore cet univers onirique et poétique qui a fait le succès du groupe. Des invités de qualité, chanteurs ou acteurs, tel qu’Emily Loizeau, Rossy de Palma, Grand Corps Malade et bien d’autres, participent à l’album en prêtant leur voix aux personnages de l’histoire. Le groupe déploie des trésors d’imagination et de composition pour nous transporter dans l’épopée de Jack, dont le cœur n’est rien d’autre qu’une horloge à coucou ! Rencontre avec Mathias (Auteur et Chanteur), Mike (Guitariste) et Guillaume (Bassiste).


De gauche à droite, Guillaume, Mike et Mathias - Crédits Photos Hervé Goluza

Lemagazine.info : Comment s’est organisée la composition de l’album et l’écriture du livre ?

Mathias : J’ai commencé par écrire une partie du livre, à mettre au point l’histoire. Quand les personnages ont commencé à se dessiner, j’ai écrit leurs chansons. Flamme à lunette (Olivia Ruiz) est une des première, puis Le jour le plus froid du monde (Mathias Malzieu) et Oh when the saints pour Arthur (Arthur H). Ensuite le travail de composition s’est passé comme d’habitude. J’arrivais avec la chanson et nous essayions de l’arranger ensemble avec le groupe pour qu’elles servent le mieux le propos, le texte, les climats, les personnages. Il y a toujours eu des climats et des personnages dans nos disques, c’est quelque chose que nous avions l’habitude de faire. Une fois l’album sorti, il me restait à finir d’écrire le livre. Même si j’avais toute l’histoire en tête, certaines choses étaient écrites et quasiment définitives, mais d’autres étaient plutôt résumées. Il m’a fallu faire le même genre de travail que pour un mix d’album. J’avais quasiment toutes les « prises de son » du livre au moment où nous avons fait le disque, mais ensuite je me suis attaqué aux « mix littéraire ».

Lemagazine.info : Sur cet album, on retrouve de nombreux duos. Comment s’est organisée cette collaboration ?

Mathias : Pour les duos, nous avons vraiment procédé comme pour un casting de film. Au moment de choisir les invités, le but du jeu était de se dire « Si c’était un film, qui je verrais pour jouer Georges Méliès (Jean Rochefort), Jack l’éventreur (Bashung) ou un des personnages que j’ai créé ? ». Ensuite, quand nous les avons rencontrés, je leur ai fait lire l’histoire du livre, je leur ai parlé des personnages et ils n’ont écouté les chansons qu’après. Nous voulions vraiment appréhender les invités par rapport à leur personnage et moins par leur chanson. Finalement, c’était un bon choix parce que les musiciens ne venaient pas seulement pour faire leur petit tour de chant. Quant aux acteurs, qui pénétraient dans le monde de la chanson, ils avaient des repères. Tous avaient à incarner un personnage.

Lemagazine.info : D’après vous, les duos sont-ils vraiment centraux et indispensables à l’album ?

Mathias : Ils ne sont pas indispensables. C’est un parti pris. Les chansons existent seules. D’ailleurs nous allons le prouver sur scène, puisque la tournée va s’organiser en deux temps. Une première partie qui sera la tournée de Dionysos où nous interprèterons des morceaux du nouvel album sans les invités. Puis un spectacle, La mécanique du coeur, avec tous les invités, qui se jouera au mois de juin aux folies bergères. Je pense que toutes les chansons existent de manière acoustique, sans artifice. C’est aussi pour ça que nous faisons des tournées acoustiques, pour prouver qu’on peut se permettre de se passer d’invités ou d’électricité. Les chansons doivent pouvoir exister par elle-même.

Lemagazine.info : Une histoire, un album B.O, la prochaine étape, c’est le cinéma ?

Mathias : Bien sûr, c’est l’envie, l’acte manqué de ce projet. Certains films nous ont influencés autant que certains disques. Depuis le début du groupe, des réalisateurs comme Ennio Morricone ou Danny Elfman sont aussi importants pour nous que les Pixies, les Beastie Boys ou Léonard Cohen.

Mike : Mais nous avons déjà un très beau clip d’animation qui se prépare et qui sera bientôt prêt, réalisé avec Stéphane Berlat. Stéphane avait déjà fait pour nous le clip de Neige sur Monsters in love dont on est très fier.

Lemagazine.info : Le livre est écrit en français, ce n’est pas la poésie de la langue qui vous manque, alors pourquoi choisir d’écrire certains titres en anglais ?

Mathias : Ca nous plaît. Ce n’est pas plus intellectuel que ça ! C’est une couleur que nous aimons utiliser. Je m’en méfie, car ça peut-être aussi une manière de se cacher, mais je ne l’élude pas systématiquement. Ça permet d’autres choses dans la manière de chanter. Au-delà du sens, l’anglais c’est une sonorité. Nous nous amusons beaucoup par exemple avec la diphtongue que tu n’as pas en français. C’est évident que sur ce disque, si j’avais écrit trop de titres en anglais, ç’eut été un peu perturbant. J’ai donc essayé de mettre en anglais des chansons emblématiques au niveau symbolique, mais un peu moins axiales dans ce qu’elles racontent. En plus, c’était une manière de ne pas trop dévoiler le livre. Au début, j’avais tendance à faire deux fois le livre, Je voulais des spoken words entre chaque titre, que toute l’histoire soit sur l’album. Mais en continuant d’écrire le livre, j’ai décongestionné cette envie. Je n’avais pas besoin de dire les choses deux fois. Il fallait que le livre et le disque se répondent mais qu’ils ne soient pas les deux mêmes objets.

Lemagazine.info : Pour vos précédents albums, vous aviez collaboré avec des grandes figures de la production comme Steve Albini ou John Parish. Cette fois-ci, vous passez vous-même à la réalisation. Vos impressions ?

Mike : En fait, nous avons commencé par enregistrer les bruits d’horloges puis à monter les deux premiers titres et à ce moment, nous nous sommes dit que nous pourrions peut-être réaliser l’album entièrement à la maison. Ça présentait l’avantage de pouvoir passer beaucoup de temps à sampler des sons comme les boîtes d’allumettes ou les boîtes à musique. Contrairement au studio où le temps est décompté, on avait aucune pression particulière. Et puis, nous nous étions rendu compte que nous faisions déjà de la réalisation même si on ne s’en créditait pas. Avec Albini ou Parish c’était de la coréalisation. Nous avons beaucoup appris d’eux, mais nous étions vraiment présents.

Le côté expérimentation musicale de cet album, c’était un plaisir ?

Mike : Créer ses propres instruments à partir d’objet qui n’en sont pas comme les horloges et en jouer, c’était vraiment une super expérience ! Nous jouons de l’horloge maintenant ! jouer de la boîte à musique, disséquer sa mélodie pour en faire son propre air, nous avons adoré faire ça.

Mathias : Nous avons fabriqué des choses qui ne sont pas forcément parfaites mais qui vivent, et ça c’est génial.

Propos recueillis par


Crédits photos : tous droits réservés. La mécanique du coeur, le livre, de Mathias Malzieu chez Flammarion, disponible depuis octobre 2007. La mécanique du coeur, l’album, de Dionysos chez Barclay, sortie prévue pour le 5 novembre 2007.


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Le 2 novembre 2007

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